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LaVillaNumeris #eSanté Data «Comment prendre en main notre destin data?»

Compte Rendu de la Table-ronde #3 du 11 mars 2021 (Invitée : Charlotte Barraco-David)

Diffuser une culture de la donnée

De l’enjeu de souveraineté à celui de l’accès aux données de santé, notre destin data parait bien sinueux

« Avec les trackers et les dashboards, on a vu une déferlante de données autour de la Covid-19 », se souvient Adel Mebarki, cofondateur et directeur général de Kap Code, start-up spécialisée dans l’innovation de santé. Pour lui, l’enjeu consiste à « mettre à disposition des données agrégées par les institutions. Cela est fait en France de manière beaucoup plus forte que dans d’autres pays », relève-t-il. Il importe aussi de rendre possible « le croisement des données pour les chercheurs » à l’image des travaux réalisés par le Professeur Antoine Flahaut.

L’apport des données se traduit par des cas concrets à l’instar de l’étude SCANcovIA, présentée par Stéphanie Trang, directrice générale d’AI for Health, pour prédire la gravité de l’infection. Le projet a pour ambition d’identifier les patients à risque de complications dès l’apparition du Covid-19 afin de leur proposer des traitements innovants et de développer une intelligence artificielle pour prédire les risques de complications à partir de l’analyse des scanners thoraciques des patients.

Les initiatives ont été nombreuses dès le début de la crise. Beaucoup de protagonistes ont voulu être de la partie. Charlotte-Barraco David, avocat, counsel et DPO de Latournerie Wolfrom Avocats relève que « tout un chacun, hors de l’écosystème, a souhaité manipuler des données de santé, très souvent, à la manière de Monsieur Jourdain, dans un souci louable, de limiter l’impact de la crise. Ils ont souhaité utiliser ces données de santé en mettant en place un “solutionnisme technologique”. Beaucoup de projets se sont évaporés à la suite de l’intervention de la CNIL et des DPO ». Elle explique que ces freins sont liés à « l’utilisation des données personnelles ». Charlotte Barraco-David décrypte : « nous avons un régime juridique propre pour les données de santé.  C’est un garde-fou. Le principe général est que l’utilisation des données personnelles de santé est interdite. S’il y a un principe d’interdiction, nous avons des dérogations qui permettent quand même d’utiliser des données de santé, avec des contraintes fortes néanmoins ». Et toujours avec la nécessité d’« informer les personnes de ce qu’on va faire de ces données, on doit trouver une base juridique ». Pour elle, « la réglementation est un frein, un mal nécessaire sinon on tombe dans la boîte de Pandore ». 

Pour une ouverture des données de santé 

« Pour favoriser l’innovation, il faut valoriser l’ouverture des données », considère Stéphanie Combes, directrice générale du Health Data Hub, qui promeut un accès aisé et unifié aux données de santé. Elle signale que « dans l’écosystème des start-ups, beaucoup vont chercher des données à l’étranger et ne vont même pas en chercher en France tellement ils voient d’obstacles ». Guillaume Leboucher, CEO d’Open Value, fondateur de la Fondation IA Pour l’école, livre son témoignage concernant un projet d’analyse prédictive : « à plusieurs acteurs, nous avions les bons algorithmes. Il nous a manqué des données, le carburant ». 

Stéphanie Combes rappelle « l’effort pour réunir les données, les documenter et les redresser ». Il en va de même pour « une cohorte de chercheurs ». Le risque est bien là : « beaucoup de sources de données doivent trouver des financements. Elles ont donc un réflexe propriétaire ». Pour elle, il s’agit d’arriver en France « au même niveau de fluidité que la UK Biobank », base de données biomédicales.

Pour Guillaume Leboucher, « il faut dans le cadre du droit, explorer et tester ».  Pour Stéphanie Combes, « le RGPD va dans le bon sens pour responsabiliser. Adel Mebarki relève ainsi que cette réglementation européenne « a changé le dogme global autour du traitement de données avec davantage de responsabilités à l’échelle des entités. C’est une régulation et un contrôle à posteriori. Cela permet d’aller plus vite dans l’innovation ». Stéphanie Combes considère qu’il serait bon de « voir si on est capable d’assouplir la réglementation a mesure qu’on gagne en maturité ». D’ailleurs Charlotte Barraco-David relève « une tendance lourde, une prolifération d’inflations législatives. Si pour le régulateur, c’est très clair, pour les start-ups, la réglementation est illisible ». 

Arrêter les fantasmes

Le regard porté par les citoyens sur l’usage des données a évolué au rythme de la crise sanitaire. Guillaume Leboucher en tire des enseignements. «  Avant la crise, la data et l’intelligence artificielle étaient vues comme très prenantes sur nos vies quotidiennes. L’année passée, nous sommes arrivés sur une data prédictive ; cela peut servir au bien de la santé et du pays ». Il a appris au regard de cette crise, la force de « la collaboration » en participant, notamment à des hackathons. Il la promeut entre « le monde des soignants et celui de la data ». Alors que les hébergeurs de plateformes institutionnelles ont fait couler beaucoup d’encre lors du confinement, Guillaume Leboucher prévient : « attention à ce que la peur ne dépasse pas le mal lui-même ». Il précise ainsi que lorsque Microsoft ou Amazon Web Services (AWS) prennent place dans de grands sujets, « ils suivent des normes validées par l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). 

« Aujourd’hui, pour les questions et besoins du Health Data Hub, les acteurs les plus innovants sont étrangers qu’on le veuille ou non » note Adel Mebarki. Aussi, pour Guillaume Leboucher, il importe, ainsi de « continuer la pédagogie. Dans le monde de la data et de l’intelligence artificielle (I1°, la super machine, l’IA forte font fantasmer. Il faut remettre les choses dans leur contexte. Les Data et l’IA posent beaucoup de questions mais donnent des résultats concrets ». 

Alors que l’IA crée de la défiance, il s’agit d’instaurer un climat de confiance « en créant des audits » suggère Stéphanie Trang. Seront, ainsi, également valorisés : « l’éthique et l’impact environnemental ».  Pour elle, il importe de « rassembler et d’avoir un socle commun. Tout manque de pédagogie. On n’explique pas assez aux citoyens à quoi cela va servir et pourquoi on le fait. » Des actions concrètes sont nécessaires « cela passe par la formation », considère-elle. Stéphanie Combes promeut « la vulgarisation et l’appel à des experts du numérique pour parler du numérique. Le numérique, tout le monde a un avis ; c’est nocif ». Elle rappelle, qu’il s’agit, pour l’opinion publique d’ « un enjeu très fort. Il faut mettre en avant les bénéfices et la finalité de l’objet ». Parce que ces données sont abstraites, il convient de « faire des efforts pour montrer, de manière très concrète, les résultats ». Adel Mebarki le confirme : « on manque de culture data. La donnée ne parle pas aux citoyens. La communication institutionnelle doit se baser sur l’usage ». 

L’acculturation est bien de mise pour rassurer et diffuser au mieux une culture de la donnée pour l’ensemble des citoyens, qui seront enfin embarqués dans l’aventure de la donnée. Elle permettra de lever les freins et les appréhensions et de se projeter pleinement dans la e-santé.

Compte-rendu et Replay vidéo des rencontres des 9, 10 et 11 mars 2021 ici

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