Le 21 avril 2021, le Conseil d’Etat a annulé la décision du Premier ministre refusant d’abroger l’article R.10-13 du Code des postes et des communications électroniques à la suite d’un recours de l’opérateur Free représenté par Terence Cabot et Thomas Bernard et de plusieurs associations
Cette disposition réglementaire obligeait les opérateurs de communications électroniques à conserver pendant une durée d’un an de multiples données pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales (notamment le numéro de téléphone de l’abonné, les date et heure des communications émises par l’abonné, le numéro de téléphone du destinataire des communications, le volume des données consommées, le réseau utilisé, le numéro IMEI, le numéro IMSI, etc.).
Le Conseil d’État constate que les exigences constitutionnelles que sont la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, la prévention des atteintes à l’ordre public, la lutte contre le terrorisme et la recherche des auteurs d’infractions pénales ne bénéficient pas, en droit de l’Union européenne, d’une protection équivalente à celle que garantit la Constitution. Le Conseil d’Etat estime qu’il doit donc s’assurer que les limites définies par la CJUE ne mettent pas en péril ces exigences constitutionnelles.
Le Conseil d’Etat juge ainsi que la conservation généralisée des données est justifiée par la menace existante et actuelle pour la sécurité nationale (risque terroriste élevé, risque d’espionnage et d’ingérence étrangère, etc.). Il relève également que la possibilité d’accéder à ces données pour la lutte contre la criminalité grave permet, à ce jour, de garantir les exigences constitutionnelles de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions pénales
Cette décision fait suite aux arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 6 octobre 2020 qui ont confirmé que le droit de l’Union européenne s’oppose à une réglementation nationale imposant à un fournisseur de services de communications électroniques, à des fins de lutte contre les infractions en général ou de sauvegarde de la sécurité nationale, la transmission ou la conservation généralisée et indifférenciée de données relatives au trafic et à la localisation. La CJUE a défini, dans ses arrêts précités, une grille de lecture sur ce qu’autorise le droit de l’Union européenne en matière de conservation des données selon différentes finalités poursuivies (menace contre la sécurité nationale, la criminalité grave, la criminalité ordinaire).
Le Conseil d’Etat donne six mois au Premier ministre pour procéder à cette abrogation et pour modifier le cadre réglementaire.